À l'affiche par Patrick Saffar

MICKEY 17 de Bong Joon-ho

today24/04/2025

Arrière-plan

MICKEY 17 de Bong Joon-ho (adapté du roman de Edward Ashton)

Par Patrick Saffar – Journaliste, historien et critique de cinéma

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Les lecteurs de la présente chronique se souviennent peut-être que nous avions écrit tout le bien que nous pensions d’un récent coffret Blu-ray DVD consacré au film Seconds de John Frankenheimer. Il y était question d’un homme qui se voyait offrir la possibilité d’une nouvelle existence, à condition d’être transformé par une opération chirurgicale, le tout sous le contrôle d’une firme spécialisée. Par-delà sa renaissance sous des dehors avantageux, l’homme n’en conservait pas moins sa mentalité d’origine.

C’est un peu ce qui arrive à Mickey Barnes (Robert Pattinson) dans le dernier film de Bong Joon-ho, Mickey 17, si ce n’est que le candidat est ici recruté en tant que « Remplaçable » dans le cadre d’un voyage spatial de quatre ans, destiné à coloniser une planète glacée, et que le cobaye conserve ses traits d’origine. Comme on l’imagine, la technique est à la fois plus sophistiquée et plus expéditive que dans le film de Frankenheimer : lorsque meurt un spécimen (une « itération »), il est « réimprimé » grâce à une technique de clonage qui est interdite sur Terre.

Robert Pattinson (Mickey 17 & Mickey 18) ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.
Robert Pattinson (Mickey 17) ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.

 

C’est dire que la situation sur laquelle repose Mickey 17, comme d’ailleurs Seconds, est à même de susciter chez le spectateur une multitude de lectures qui pourraient bien graviter autour de la question centrale adressée à Robert Pattinson par plusieurs personnages : « ça fait quoi de mourir ? ».

De fait, ce même acteur interprète (brillamment) à la fois le « personnage » de Mickey 17, soit la dix-septième itération, et celui de Mickey 18, soit la dix-huitième itération.

C’est d’ailleurs à partir de la coexistence de ces deux clones (souvent dans le même plan), qualifiés de « multiples » et prohibés par le système de régénération, que le film commence véritablement à s’incarner en même temps qu’à déployer toute sa richesse. Jusque-là, en effet, une voix off assez envahissante (celle de Pattinson) multiplie les éléments d’exposition et, si elle confère à Mickey 17 son caractère de fable, empêche d’adhérer véritablement aux enjeux du film, à la fois immédiats et théoriques.

Robert Pattinson (Mickey 17 & Mickey 18) ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.
Anamaria Vartolomei (Kai Katz), Robert Pattinson (Mickey 17) & Bong Joon Ho ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.

 

Ces derniers enjeux, on pourrait presque les dérouler, en vrac, et d’une manière non exhaustive :  qu’est-ce que l’identité humaine ? Si « je est un autre », l’autre ne serait-il pas un « je » (c’est toute la dernière partie du film, consacrée à la confrontation/réconciliation avec les créatures, les « rampants » – de la planète à coloniser). L’âme est-elle unie au corps (une âme, un corps) ou bien est-elle susceptible de « voyager » à travers les corps ? Cette « âme » elle-même n’est-elle pas duelle (un des deux Mickey s’écrie « tue-le » tandis que l’autre dit « sauve-le ») ? Et toutes les variantes plus ou moins absurdes que suscite la situation : ainsi lorsque Mickey 18 se déclare jaloux de Mickey 17 qui a « déjà » couché avec Nasha (Naomi Ackie), la femme qu’il(s) aime(nt) tous les deux, ce qui nous vaut une scène de triolisme assez attendue où Bong Joon-ho semble se souvenir du Dead Ringers (Faux-semblants, 1988) de David Cronenberg.

Naomi Ackie (Nasha) & Robert Pattinson (Mickey 17) ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.
La planète Niflheim et ses « rampants » ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.

Sur cette trame déjà assez serrée, le cinéaste, soucieux peut-être de prolonger le succès de Parasite (2019) a cru bon de greffer des éléments parodiques où s’affirme son goût pour la satire anticapitaliste. C’est le salarié jetable des entreprises contemporaines qui apparaît cette fois par le biais du portrait du couple de dirigeants responsables de l’exploitation de la « photocopie d’êtres humains » et qui, grâce au cabotinage de Mark Ruffalo et Toni Collette, oriente le film vers la farce et l’outrance. Celles-ci n’ont d’ailleurs rien à envier (vomi compris) aux « oligarques » du film de Ruben Östlund, Triangle of Sadness (Sans filtre, 2022). Mais on ne reprochera pas au réalisateur sud-coréen de transformer Mark Ruffalo en une sorte d’Elon Musk colonisateur, de Musk devenu nataliste !

Mark Ruffalo (Kenneth Marshall) & Toni Collette (Kai Katz) ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.
Mark Ruffalo (Kenneth Marshall) & Toni Collette (Kai Katz) ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.

 

Le caractère composite de Mickey 17, son aspect de patchwork, sont accentués par une dernière partie plus convenue, qui va réorienter le film vers la fable « humaniste » (ceci dit avec des pincettes, tant l’usage du terme est aujourd’hui usurpé). Parvenus sur la planète glacée, où s’agitent les « rampants » locaux, sortes de grosses chenilles d’un abord agressif, quelques Terriens, emmenés par une porte-parole, Nasha (il n’est évidemment pas neutre que ce soit une black lady) finiront par se réconcilier avec les « aliens » et par détruire la « photocopieuse ». Dans ce final dont on ne sait pas vraiment s’il contient une part d’ironie, les uns et les « Autres » pourront vivre en paix.

Patrick Saffar

Naomi Ackie (Nasha) ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc.
Naomi Ackie (Nasha) & Bong Joon Ho ©2025 Warner Bros. Entertainment Inc. – Photo : Jonathan Olley

 

Bande-annonce : Mickey 17 (2025) de Bong Joon Ho

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Écrit par: CINEMUSIC Radio


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