Un Simple Accident de Jafar PANAHI

Un Simple Accident © Les Films Pelléas, Memento Films

Un Simple Accident de Jafar PANAHI

Actuellement à l’affiche en salles

Par Patrick Saffar – Journaliste, historien et critique de cinéma

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Un Simple Accident (Yek tasadef sadeh)

Palme d’or au Festival de Cannes 2025, le dernier film de Jafar Panahi, Un simple accident, repose comme souvent chez ce cinéaste, sur une grande économie de moyens, justifiée autant par la dramaturgie propre à l’œuvre que par les circonstances du tournage, effectué sans autorisation officielle des autorités iraniennes (Panahi a connu à plusieurs reprises les geôles de son pays).

Le film ne doit sa justification, pour ainsi dire son existence, qu’à la faveur d’un twist, d’une torsion qui fait provisoirement disparaître à l’image l’auteur du « simple accident » du titre, ce chien écrasé par un automobiliste « ordinaire » (nous le voyons entouré de sa femme enceinte et de sa petite fille) pour y substituer un bruit obsessionnel perçu par le garagiste auquel le conducteur aura recours. L’écho du traumatisme ainsi manifesté (c’est le couinement de la prothèse de jambe de l’automobiliste, en quoi le mécanicien pense identifier l’un de ses anciens tortionnaires), la fable peut commencer.

Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que cette dernière se concentre sur le cas de conscience de l’auteur de l’accident (du style de celui de Mort d’un cycliste, de Juan Antonio Bardem, 1955), l’itinéraire que déroule le film de Panahi a davantage recours à la dialectique du bourreau et de la victime, à partir du moment où le garagiste n’hésite pas à se décider à enterrer vivant sa proie d’occasion en plein désert, avant d’être saisi de doutes et, l’ayant déterré, de trimbaler l’homme à la jambe de bois au fond d’une camionnette. Ce type de situation, sans être en soi d’une grande originalité (on pense cette fois, entre maints exemples, à La Jeune fille et la mort, de Roman Polanski, 1994) réussit à maintenir l’intérêt à partir du moment où le mécanicien va prendre à témoin différentes victimes de « la guibole », chacune ayant son opinion sur l’identité de l’infirme reposant dans le véhicule. Par une telle montée en puissance, Un simple accident n’est pas loin de se transformer en un tourbillon burlesque, une farce macabre où chacun, une jeune mariée, une photographe, son ex-compagnon …, revendique telle attitude plus ou moins violente à l’égard de leur possible bourreau, comme une version décalée de The Trouble with Harry ? (Alfred Hitchcock, 1955) où chacun des protagonistes revendiquait la mort de Harry, ce cadavre qu’on se plaisait également à déplacer un peu partout.

Tout compte fait, croyant peut-être renouer par là avec des procédures démocratiques, les participants à ce long périple qu’est Un simple accident, en viendront à exhiber le corps du possible tortionnaire, le soumettant à la question, mais aussi à l’insulte, et finissant par lui faire recouvrer la liberté en l’abandonnant au cœur de la nuit. Mais comme toute bonne fable, le film de Panahi finit par avoir sa coda, qui est peut-être une facilité, soit le retour « éternel » du traumatisme (on n’en dira pas plus) assimilé à une pure chose mentale, et témoignant sans doute de l’inanité de toute vengeance.

Patrick Saffar

Bande-annonce (VO ST) (Memento Films) : Un Simple Accident

Extrait (VO ST) (Memento Films) : Un Simple Accident

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