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À l'affiche par Patrick Saffar
today27/01/2025
Julianne Moore (Ingrid) & Tilda Swinton (Martha/Michelle) ©2024 El Deseo - Photographe : Iglesias Màs
★★★☆☆
Par Patrick Saffar – Journaliste, historien et critique de cinéma
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Est-ce la gravité du sujet, qui tourne autour de ce qu’on appelle communément la « fin de vie », est-ce l’âge du cinéaste, né en 1949, toujours est-il qu’on ne trouvera pas (ou peu) dans ce dernier opus les aplats de couleurs vives auxquels nous avait habitués le metteur en scène espagnol, au risque, parfois, des effets de signature. Cette relative austérité a d’ailleurs su séduire le jury de la Mostra de Venise 2024 qui lui a attribué son Lion d’or, faisant un peu apparaître La Chambre d’à côté comme le couronnement d’une œuvre, si ce n’est comme un chant du cygne.
Le principal motif du film, à savoir le projet de mettre fin à ses jours entrepris par une femme (Tilda Swinton) atteinte d’un cancer, avec l’assistance d’une ancienne amie (Julianne Moore), et la profonde empathie dont cette dernière témoigne à cette occasion, n’émerge toutefois qu’au terme d’une longue, et parfois laborieuse, exposition qui voit proliférer différentes pistes et flash-backs (le passé de correspondant de guerre de Tilda Swinton – un peu déplacé – …), sortes de métastases narratives qui éloignent du cœur de la situation.
Cette structure faite de digressions (fréquente chez Almodóvar) permet d’ailleurs au cinéaste de nous faire part de quelques considérations générales sur l’état du monde, telles que le dérèglement climatique ou le poids excessif des revendications féministe, et qui sont autant d’éléments qu’on aurait bien aimé voir nourrir véritablement la trame du film plutôt que délégués aux seuls dialogues.
Puis, le film se décante en se resserrant sur la relation entre les deux amies, décidées à participer à ce cérémonial de mort accompagnée qui consiste pour Julianne Moore à occuper dans une maison éloignée de Manhattan la chambre voisine de celle de Tilda Swinton, afin de guetter si la porte de cette dernière pièce reste close, signal convenu de l’issue fatale (l’absorption d’une pilule).
Le film se fait alors « film de chambre » (on peut penser à Bergman) et trouve son rythme propre, alors que la « chambre d’à côté » devient chambre d’écho des préoccupations intérieures des personnages, même si le visage-masque de Tilda Swinton ne laisse que difficilement affleurer l’émotion (moins en tout cas que la musique inspirée due au fidèle Alberto Iglesias). Et surtout, ce resserrement permet enfin d’incarner ce qui pourrait passer pour l’inspiration principale de la fable : soit, en contrepoint d’un « éloge » de l’euthanasie, l’éclosion de quelques motifs d’entrevoir la lumière. La porte close peut ainsi laisser place, après le trépas, et comme par magie, à une porte entrouverte, et la convocation de la neige, calquée sur une nouvelle des Gens de Dublin de Joyce (et son adaptation filmique par John Huston), apparaître à plusieurs reprises, synonyme de mort puis, envahissant le paysage entier des deux amies, moment de pure beauté qui donnerait des raisons d’espérer.
Patrick Saffar
Bande-annonce : La Chambre d’à Côté (The Room Next Door) de Pedro Almodóvar
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Écrit par: CINEMUSIC Radio
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